Focus sur les artistes

Entretien avec Hélène Saïd,
la femme marionnette



Comment le projet Soulier Rouge a-t-il commencé ?

Je suis une comédienne de base, qui s’est rapidement retrouvée happée par le milieu de la marionnette mais sans vraiment parvenir, au début, à savoir comment l’aborder, comment l’utiliser. Un jour à la fac, j’ai dû travailler sur le spectacle « Plume » d’Henri Michaux et je n’arrivais pas à nous projeter dans cette pièce, « nous » en tant que comédiens. C’est là que l’idée d’utiliser des marionnettes m’est apparue, ça a été mon premier travail en tant que théâtre marionnettique. Voilà, comment je me suis tournée vers cet art. Mais à l’époque, la marionnette n’était pas si développée, il n’y avait pas tant de diversité qu’aujourd’hui. J’ai collaboré sur de nombreux spectacles, avec différentes compagnies notamment la compagnie Passacaille Théâtre jusqu’en 2009. Et avec le temps et les rencontres, j’ai pris la décision de monter ma propre compagnie qui mettrait en scène mes marionnettes, plutôt que de toujours les insérer dans d’autres créations. La compagnie Soulier Rouge est née. Son nom est tout simplement inspiré de ma fascination pour le conte « Les Souliers Rouges » d’Andersen. Pour ce qui est de la création, tout a été lancé suite à l’appel à projet de la médiathèque de Vaise.

Pourquoi ce conte en particulier ?

Dès que je l’ai découvert, il m’a tout de suite plu. Toutefois, je le trouvais dur à aborder à travers l’axe du conte. Le problème était que je ne parvenais pas non plus à le créer, en tant que spectacle de marionnettes. C’est une fascination qui a toujours trainé dans ma tête, j’ai essayé de lancer plusieurs fois des démarches pour la concevoir, d’en parler autour de moi pour voir comment les gens recevaient l’idée. Malheureusement, cela n’aboutissait pas car j’avais du mal à me le projeter, de même que les artistes auxquels j’en parlais. Puis en 2007, j’ai eu l’opportunité de réaliser un stage sur le travail de l’empreinte dans la marionnette, qui m’a fait découvrir toute une technique de fabrication dont je me suis servi pour construire les marionnettes des Souliers Rouges. Cette méthode renvoie à la fabrication d’empreintes de parties de notre corps en papier mâché afin de créer des marionnettes inspirées de leur créateur. Pour ce stage, nous devions adapter les contes des frères Grimm, j’ai alors proposé l’idée de  travailler sur le conte d’Andersen qui m’obsédait un peu. Ce fût mon premier vrai travail sur cette pièce.

Comment l’avez-vous adapté ?

A force de réfléchir sur la question de l’adaptation, j’ai fini par décider de le réécrire. Afin de pouvoir en sortir un peu, d’avoir une plus grande liberté dans notre création, mise en scène. Ce qui était mieux pour l’équipe et pour moi. Au niveau du projet artistique, il y a eu tout un gros travail réalisé sur l’image et le son qui s’est avéré très intéressant pour la trame de l’histoire. Le matériel sonore nous a vraiment servi tout au long du spectacle pour faire interagir cette héroïne, lui donner la parole.

Que pouvez-vous me dire sur votre manipulation des marionnettes ?

Je fais de la manipulation à vue, normalement le manipulateur est entièrement vêtu de noir afin de disparaître derrière la marionnette, mais moi j’aime beaucoup le fait de voir leur travail. Je trouve ça très poétique. C’est pourquoi, j’ai choisi de manipuler ces marionnettes sans me cacher. J’ai aussi utilisé la technique de l’empreinte dans ce spectacle qui a fortement marqué ma création, ce sont les masques dont je m’affuble. 

Il y a trois marionnettes différentes tout au long du spectacle, la 2ème est particulièrement originale ?

Cette marionnette est en tarlatane, une sorte de gaze, tulle de coton qui donne quelque chose de très léger. Elle provient de toute une évolution de tests que j’ai réalisés pour trouver sa forme finale. En fait, c’est un peu la bonne surprise des méandres de la création ! En manipulant le plastique, qui était d’abord un recouvrement du sol, l’idée s’est imposée dans mon esprit, la marionnette a pris forme avec ce visage et ce corps très fluide, léger. Par contre, j’avoue ne pas vraiment savoir comment l’idée de me l’accrocher sur la tête est venue, peut-être que c’est en essayant plusieurs façons. Et puis, je porte souvent des bérets, des chapeaux, donc en faisant pleins d’essais, un jour la magie de la création a fait son œuvre et j’ai eu l’idée de la manipuler de cette façon. Toutefois, elle n’est pas facile à utiliser à cause de sa légèreté parfois j’ai plus l’impression que c’est elle qui me guide.

Vous avez quelque chose que vous souhaiteriez ajouter?

Oui, en parlant des matériaux de mes marionnettes. Le fait que ces trois marionnettes possèdent des matières bien distinctes, apporte un sens différent à chacune d’entre elles. Elles marquent des stades progressifs de l’évolution du personnage de l’héroïne dans l’histoire. La première en papier n’est pas très malléable, elle ne peut pas aller très vite bien que je la pousse un peu. Le passage à la deuxième me permet d’évoquer plus de folie par sa fluidité, sa légèreté et enfin, la dernière perd de sa consistance, elle donne l’impression de disparaître.

Pour visionner un extrait des Souliers Rouges:
CLIQUEZ ICI

-------------------------------------
  

Rencontre avec Fred Ladoué,
L'homme qui murmurait à l'oreille des objets


Pour commencer, tu es spécialisé dans le théâtre d’objets ?

Oui, je ne suis pas marionnettiste, je ne manipule pas de marionnettes. Je suis un vidéaste de formation et j’en suis venu au théâtre d’objets par une rencontre avec Mathias Piquet-Gauthier du théâtre Vide-Poche. Avec lequel, j’ai réalisé un spectacle qui mettait en scène du théâtre et de la vidéo ma spécialité, cela s’appelait « les projectionnistes ». Après cette collaboration, Mathias m’a poussé à me produire en solo. Ce qui m’a amené sur le projet « Le casier de la reine ».

Justement en quoi consiste « le casier de la reine » ?

C’est une relecture éthylique des 3 mousquetaires d’Alexandre Dumas. Cette idée est née de l’envie d’utiliser des mignonnettes d’alcools. Ce sont des objets qui m’intriguaient, me fascinaient beaucoup. C’est comme les petites poupées ou les petits soldats mais réservés aux adultes, la volonté de les utiliser dans un spectacle est venue de là. Pour l’histoire des mousquetaires, tout est parti d’une soirée arrosée où j’ai improvisé une histoire dans laquelle les mousquetaires étaient remplacés par des mignonnettes : d’Artagnan par d’Armagnac, Portos par Porto et Athos par Calvados. Plus tard, j’ai repensé à cette impro là et lorsque l’éminence rouge s’est imposée dans mon esprit pour le cardinal de Richelieu, je me suis dit : ça y est je le tiens ! La première fois que je l’ai joué, c’était au festival Moisson d’Avril 2008. En fait, c’est Mathias qui m’avait trouvé ce festival, comme je ne connaissais pas vraiment de réseaux ou de structures, il m’a aidé à trouver mon premier lieu de diffusion. Trois semaines avant le festival, il m’a contacté en me disant « ça y est, je t’ai trouvé quelque chose » et le projet s’est vraiment lancé là, ce fût un vrai challenge de mettre en scène un spectacle sur une si courte période !

Alors la compagnie Volpinex est née ?

En fait, j’avais deux spectacles qui tournaient bien. Il a, donc, été nécessaire de monter une compagnie pour structurer tout ça. C’est un peu l’inverse du schéma habituel où l’on crée une compagnie avant de créer les spectacles.

Ce qui vous a amené sur « Bang ! » ?

Bang est une création qui est née de ma collaboration avec Rémi Saboul, un musicien professionnel que je connais depuis bien longtemps avec qui j’ai eu l’occasion de travailler sur plusieurs projets. Nous sommes très complices, nous avons les mêmes délires, la même passion pour les westerns. De plus, c’est un bon improvisateur ce qui nous permet d’être très libres pendant nos représentations. Si l’un part sur quelque chose, l’autre le suivra tout de suite. Nous ne sommes pas figés par un timing, par une bande son comme je peux l’être sur d’autres spectacles, ce qui est très frustrant. On pouvait tout se permettre sur ce spectacle.
C’est donc beaucoup d’improvisations ?
Il y a toujours une trame mais je brode énormément, surtout dans « le casier de la reine » où il y a facilement des interactions avec le public.

Quelle est l’idée générale de « Bang ! » ?

C’est un western, mais pas n’importe lequel puisque c’est un film qui est réalisé en direct. En bas de l’écran, il y a un musicien et un comédien manipulant des objets qui sont projetés dans le film. Le western est un genre tellement codifié qu’il a été facile de recréer des images qui font westerns, qui suggèrent une atmosphère. Pour le monter, nous avons visionné plein de westerns des tout premiers jusqu’à ceux des années 70 pour se nourrir, s’inspirer de lieux, de personnages récurrents afin de créer notre western. 

Vous faites intervenir des jouets en plastiques à la place des acteurs, c’est bien ça ?

Oui, tout au long du spectacle, je manipule ces jouets en plastique pour animer le western. Ce film, c’est un peu notre terrain de jeu comme quand on était gamins et que l’on se faisait des films. J’aime bien cette idée «  se faire des films » et d’en faire profiter les autres. Bang est un travail sur deux plans : un film et comment nous le réalisons. Il faut que cela reste un spectacle vivant, après tout nous ne sommes pas au cinéma. Il est important que les gens puissent voir comment, avec des bonshommes en plastique, on fait un duel et non juste le fait de voir ce duel à l’écran.

-------------------------------------

Rencontre avec Yeung Faï,
virtuose de la marionnette chinoise


Comment vous est venue l’idée de ce spectacle ?

Vous voyez, j’ai monté beaucoup de spectacles et, un jour, l’idée a jailli dans mon esprit : pourquoi ne pas parler de mon parcours, de mon histoire ?


Pourquoi montrer l’arrière du castelet ?

L’arrière du castelet doit être vu comme une sorte de symbole à utiliser au maximum. Par moment, on se retrouve sur des scènes très grandes, où tout l’espace n’est pas utilisé ce qui est pour moi un gaspillage de l’espace scénique et j’aime l’idée de tout utiliser. C’est ce que j’ai essayé de faire : combler tous ces vides. Pour l’aspect de l’arrière du castelet, j’ai vraiment voulu utiliser le symbole que représentent l’arrière scène et le travail du marionnettiste. Cela apporte un regard différent, un plus au niveau du sens de l’histoire. Puisqu’il est là tout le temps pourquoi ne pas le mettre en scène.

Qui est l’autre personne qui vous accompagne sur scène ?

C’est mon étudiant auquel je transmets mon savoir. La transmission est très importante pour moi. Je suis Chinois et ce savoir, que j’ai sur la marionnette, m’a été transmis, c’est un héritage familial. Et comme je suis le dernier, il ne fallait pas que cela s’arrête. C’est un savoir humain, qui doit être transmis à tous, même en dehors des frontières chinoises.

Avez-vous déjà essayé d’autres types de marionnettes ?

Oui, j’ai tout essayé, je suis un fou de marionnettes. Et il important de savoir être ouvert sur ce qui se fait.

Pourquoi parler de votre vie maintenant ?

La vie est quelque chose d’important, on se bat pour elle dans les bons comme dans les mauvais moments. J’ai passé des moments durs avec la mort de mon père, mon départ de Chine. Mais ma vie a été intéressante, j’ai vécu beaucoup de bonnes choses. Maintenant, je suis un peu fatigué de raconter toujours les mêmes histoires. Et pourquoi pas mon histoire, après tout je l’ai vécue, je la connais bien.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire